AMULETTE ET TALISMAN
Amulettes et talismans, afin de se prémunir contre leurs adversaires et de mettre leurs clients hors de portée de leurs intentions malignes, les sorciers font grand usages d’objets censés renfermer « une force magique » susceptible d’être un antidote à la malchance ou aux maléifces : les amulettes. Elles sont de nature diverse et les facultés qui leur sont accordées sont liées à leurs composants, étant entendu que plus ils sont rares, précieux et leur agencement complexe, plus elles ont de valeur, de pouvoir.
Les pierres constituent le premier type de protection habituellement usitée. Porté en pendentif ou enfoui au fond des poches, l’ambre, le jade, l’obsidienne, l’améthyste ou le corail préserve du mauvais œil.
Le sel, qui empêche les corruptions, comme le rappelle son usage de conservateur des aliments, est une arme fort prisée pour s’abriter des « ondes négatives ». Naissant de l’évaporation de l’eau, cette sorte de « feu cosmique » a la faculté de les dissoudre après les avoir absorbées.
Le règne végétal est aussi représenté dans les amulettes, lesquelles sont souvent de l’ordre du savoir populaire.
Outre le traditionnel trèfle à quatre feuilles, deux feuilles de noyer collées en croix sont également une petite protection qui ne coûte pas cher.
Il en est de même des branches de gui ou des rameaux de bois ou de laurier, généralement bénits le dimanche de la Passion, appelé dimanche des Rameaux et accrochés au-dessus des lits Ces plantes sont associées à l’immortalité car elles demeurent vertes.
Une simple croix faite de deux brindilles de coudrier, arbuste au x vertus paranormales car servant à confectionner les baguettes des sourciers, enduites de la cire d’un cierge de la Chandeleur donc bénit, est également un excellent capteur d’ondes négatives.
Associé au feu qui l’a fait naître et d’où il tire sa puissance par effet de contamination, le charbon de bois attire à lui les radiations nocives. C’est pourquoi les sorciers l’exploitent abondamment pour protéger les demeures.
Les jeteurs de sorts étant censés pomper l’énergie de ceux qu’ils persécutent, l’ail dans la poche ou en tresse dans une habitation est également un classique pour s’opposer à ce transfert de flux vital.
L’ail protègerait même des vampires …
Les animaux n’échappent pas non plus à cette singulière utilisation.
Un collier de dents d’ours ou de renard est une garantie efficace contre le mauvais oeil et accrocher une queue de cet animal dans un poulailler est une excellente garde contre les visites intempestives et prédatrices de Maître Goupil le renard et des belettes.
Porter en pendentif une dent de requin fossilisée est un bon moyen de se mettre à l’abri des ondes négatives.
Un collier d’os de taupe donne aussi ce résultat.
Ces amulettes tirent leur valeur d’un système de correspondance fondé sur des liens de sympathie ou d’antinomie entre leurs éléments et les périls qu’elles sont censées éloigner des humains.
Dans cette optique, le semblable évoque le semblable mais peut aussi produire l’effet contaire. Tout est donc affaire d’intention. C’est ainsi que dans les premiers cas, les dents d’un animal rejeté pour sa force, comme l’ours, sont censées conférer cette vertu à celui qui en possède.
Dans le second cas , c’est parce qu’on estime que mettre en évidence des attributs de l’ennemi entrainera sa non-venue que l’on accroche une queue de renard dans un poulailler.
Mais il est d’autres protecteurs dont les vertus proviennent d’une symbolique d’ordre religieux. Outre les traditionnels cierges de la Chandeleur ou de la Nativité et les tisons des bûches de Noël et des feux de la Saint-Jean, les médailles sont d’un usage courant. Les plus répandues sont celles de saint Christophe (le saint patron des voyageurs), de saint Benoît (le créateur de l’ordre monastique des Bénédictins), de la Vierge et de Lourdes.
La Main de Fatima -pourtant d’origine islamique- orne également de nombreux cous féminins, tout comme la « manofica ».
Compte tenu de la place particulière de l’écriture dans le domaine du magique -en éternisant la parole elle acquier une valeur quasi matérielle par le tracé qui fixe la force invoquée-, de nombreuses amulettes prennent la forme d’une feuille de papier sur laquelle est inscrite une formule conjuratoire.
Là encore, ces « prières » à porter sur soi (généralement dans un sachet de tissu ou de cuir ) font la part belle à la liturgie catholique. Au premier rang de celles-ci se trouve le proto-évangile de saint Jean dont l’usage, à cette fin, est signalé dès la Renaissance par les théologiens. La « prière à Marie » et celle dédiée à « la Sainte Vierge », sont également abondamment employées, tout comme « l’oraison à a sainte Croix ».
Nonobstant la « puissance » intrinsèque du Verbe, l’efficience des amulettes écrites est souvent liée aux rites complémentaires qu’effectue à cette occasion la personne qui les confectionne.
Ainsi, madame XXX ne se contente pas de porter sur elle ou de distribuer à ses clients un simple bout de papier. A la prière de protection contre les ennemis « visibles et invisibles », elle avait adjoint un petit morceau d’angélique, quelques grains de sel bénit, une croix consacrée achetée à Lourdes et un petit aimant pour réguler son « flux énergétique ».
Le tout était enveloppé dans un bout de soie dont la couleur et le parfum correspondaient à son signe zodiacal.
Un fois cet étrange assemblage constitué, elle l’avait alors consacré en récitant une prière adéquate.
De même, le petit sachet de velours rouge qu’elle donna à un client contenait-il une médaille de saint Benoît enroulée dans « sa » prière, un morceau de cierge bénit à l’Ascension et une pincée de sel sanctifié.
Le liquide employé pour donner vie à la parole muette est parfois de nature à lui conférer un surcroît de « force ».
Par exemple, une formule protectrice utilisant « l’alphabet magique » était tracée sur un tissu blanc -donc pur- à l’aide du sang soutiré à sept colombes blanches.
Dans ce complexe symbolique, outre le nombre des animaux qui participent à son efficacité, nous pouvons relever que le sang, représentation de la vie qu’il s’agit de préserver, est celui du volatile emblématique de la paix, de l’espoir , du bonheur à retrouver.
Enfin, les sorciers peuvent confectionner des amulettes destinées à être ingurgitées, les filtres fonctionnent alors comme un médicament.